Un jour, apres nous etre epuises en raisonnements de toute espece autour d’un tres-petit flacon de vin de Chypre ainsi que quelques marrons secs, le discours tomba via la cabale et nos cabalistes.
Un d’entre nous pretendait que c’etait une science reelle, ainsi, dont nos operations etaient sures ; quatre des plus jeunes lui soutenaient que c’etait un amas d’absurdites, une source de friponneries, propres a tromper les mecs credules et amuser nos bambins. — Le plus age d’entre nous, Flamand d’origine, fumait une pipe d’un air distrait, et ne disait mot. Le air froid et sa distraction me faisaient spectacle a travers votre charivari discordant qui nous etourdissait, ainsi, m’empechait de prendre part a une conversation trop minimum reglee pour qu’elle eut de l’interet me concernant. Nous etions dans la chambre du fumeur ; la nuit s’avancait : on se separa, ainsi, nous demeurames seuls, notre ancien et moi.
Il continua de fumer flegmatiquement ; je demeurai les coudes appuyes sur la table, sans rien affirmer. Enfin Jacques rompit le silence.
« Jeune homme, me dit-il, vous venez d’entendre de nombreuses bruit : pourquoi vous etes-vous tire de la melee ?
— C’est, lui repondis-je, que j’aime mieux me taire que d’approuver ou blamer votre que je ne connais jamais : je ne sais gui?re meme votre que veut dire le mot de cabale.
— Il a diverses significations, me dit-il ; mais ce n’est point d’elles dont il s’agit, c’est d’une chose. Croyez-vous qu’il puisse exister une science qui enseigne a transformer les metaux et a reduire les esprits sous notre obeissance ?
— Je ne connais rien des esprits, a commencer avec le mien, sinon que j’habite sur de son existence. Quant aux metaux, je sais la valeur d’un carlin au jeu, a l’auberge et ailleurs, et ne peux pas grand chose assurer ni nier concernant l’essence des uns et des autres, sur les modifications et impressions dont ils sont susceptibles.
— Mon jeune camarade, j’aime beaucoup votre ignorance ; elle vaut bien la doctrine des autres : au moins vous n’etes pas dans l’erreur, ainsi, si vous n’etes pas instruit, vous etes susceptible de l’etre. Votre naturel, la franchise de ce caractere, la droiture de ce esprit, me plaisent : je sais quelque chose Sans compter que que le commun des hommes ; jurez-moi le plus grand secret via ce parole d’honneur, promettez de vous conduire avec prudence, et vous serez mon ecolier.
— L’ouverture que vous me faites, mon pas gratuit Soberano, m’est tres-agreable. La curiosite reste ma plus forte passion. Je vous avouerai que naturellement j’ai minimum d’empressement pour les savoirs ordinaires ; elles m’ont forcement semble trop bornees, et j’ai devine votre sphere elevee dans laquelle vous voulez m’aider a m’elancer : mais quelle est la premiere clef d’une science dont vous parlez ? Selon ce que disaient des camarades en disputant, votre seront les esprits eux-memes qui nous instruisent ; peut-on se lier avec eux ?
— Vous avez dit le commentaire, Alvare : on n’apprendrait que dalle de soi-meme ; quant a l’occasion de nos liaisons, je vais vous en donner une preuve sans replique. »
Comme il finissait ce mot, il achevait sa pipe : il frappe trois coups afin d’effectuer bouger quelque peu de cendre qui restait au fond, la pose sur la table assez pres de moi. Il eleve la voix : « Calderon, dit-il, venez chercher qu’est ce que mousemingle ma pipe, allumez-la, ainsi, rapportez-la-moi. »
Cela finissait tout juste le commandement, je tombe sur disparaitre la pipe ; et, avant que j’eusse pu raisonner sur les revenus, ni reclamer quel est votre Calderon charge de l’ensemble de ses ordres, la pipe allumee est de renvoi, et mon interlocuteur avait repris son occupation.
Il la continua quelque moment, moins pour savourer le tabac que pour jouir de la surprise qu’il m’occasionnait ; et se levant, il evoque : « Je prends la garde au jour, il faudra que je repose. Allez vous coucher ; soyez sage, et nous nous reverrons. »
J’me retirai plein de curiosite et affame d’idees nouvelles, dont J’me promettais de me remplir bientot par le secours de Soberano. Je le vis le lendemain, les jours ensuite ; je n’eus plus d’autre passion ; je devins le ombre.
Je lui faisais mille questions ; il eludait des unes et repondait aux autres d’un ton d’oracle. Enfin, je le pressai sur l’article en religion de ses pareils. « C’est, me repondit-il, la religion naturelle. »
Nous entrames au sein d’ certains details ; ses decisions cadraient plus avec les penchants qu’avec les principes ; mais je voulais venir a mon but et ne devais nullement le contrarier.